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M. Bardet parut ému de me voir si dépité.

— Qu’est-ce que vous voulez, ça vous apprendra qu’il ne faut pas tout croire. Mais ne vous faites pas d’illusions : votre bidon n’est pas sale. Tenez, je vais vous donner une solution pour le désinfecter, un peu de cette poudre blanche que vous ferez dissoudre dans un litre d’eau bouillante. Après l’avoir nettoyé avec ce liquide vous pourrez vous en servir en toute sécurité ; il sera aussi propre qu’avant.

La poudre valait trois sous ; j’eus dix centimes à empocher. Mais j’avais compté sans Victoire qui jura que le bidon ne servirait plus, menaça de le briser elle-même au lieu de le nettoyer. Il me fallut retourner en ville le soir chez le quincailler où j’en achetai un du plus bas prix : vingt-cinq sous. Il était loin de valoir l’ancien.

J’ai souvent fait rire le monde à mes dépens en racontant cette aventure que je me plus à agrémenter par la suite d’épisodes inexistants destinés à la rendre plus comique encore. Mais j’en voulus ferme au boulanger Raynaud, d’autant plus qu’il jugea bon de se payer de nouveau ma tête quand il me retrouva.

— Eh bien, Bertin, cette vipère ?

— Eh bien, monsieur Raynaud, je ne suis pas prêt de vous croire. Vous êtes un rude menteur !

— Quoi, le pharmacien n’en a pas voulu ?

— Si, seulement au lieu de cent sous, c’est cinq sous qu’il me l’a payée.

— Cinq sous… Eh bien, oui, c’est le prix que je vous avais indiqué ; vous aviez mal compris.

Et il s’éloigna en riant.