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broussailleux qu’on mettait en culture. Là, c’était la vraie campagne ; je gagnais peut-être un peu moins qu’à la carrière, mais j’avais finalement plus de bénéfice, car ma seule débauche était de puiser quelquefois dans ma tabatière.

À ce chantier, il m’arriva d’être dupe de ma crédulité. Un jour de mars que le soleil brillait, très chaud déjà, je trouvai dans des racines de genêts une vipère qui s’éveillait de sa léthargie hivernale. Je n’avais plus, comme étant gamin, une crainte exagérée des reptiles ; je la regardai donc un instant s’agiter, puis je hélai M. Raynaud, un boulanger de la ville, qui se trouvait là en train de faire mettre en fagots des débris d’épines et de genévriers qu’il avait achetés pour son four.

― Venez voir une belle vipère, monsieur Raynaud, elle est déjà à moitié désengourdie.

Le boulanger s’approcha, l’examina.

— Diable, pas rien qu’à moitié ; elle se tortille joliment…

Après qu’il l’eut contemplée à loisir, il reprit, d’un ton mi-sérieux, mi-narquois :

— Vous devriez la porter toute vivante au pharmacien : il vous la paierait au moins cent sous.

— Vous vous fichez de moi, monsieur Raynaud ?

— Ma foi non ! Je vous assure que les pharmaciens s’en servent pour leurs drogues et qu’ils achètent toutes celles qu’on leur porte.

Les fagoteurs s’étaient approchés : je jetais des regards questionneurs sur leur groupe.

— Monsieur Raynaud a raison, dit l’un ; je crois bien que ça s’achète, en effet.

    que César, dit-on, eut son camp, au moment de la conquête des Gaules, sur le plateau où il est bâti.