Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moire les quelques centaines de francs qui constituaient son avoir.

La Marinette resta au domaine avec mes frères ; ils la gardèrent un peu par charité, mais aussi parce qu’elle leur rendait service. La pauvre innocente, en effet, avait un culte pour les moutons et s’acquittait très bien du rôle de bergère, moins le dénombrement, à la rentrée, qu’elle n’était pas en état de faire. Elle savait filer et était apte à certains travaux des champs. En somme, elle gagnait bien à peu près sa vie. Comme habits, il lui fallait peu de chose, car elle ne sortait jamais des limites territoriales de la métairie.


XXI


Victoire, enceinte une seconde fois, me donna une petite fille. Heureusement, les affaires n’allaient pas trop mal. Le père Giraud était intégralement remboursé, je payais régulièrement mon fermage et j’avais quelques pièces de cent sous devant moi. Mais ce succès ne m’empêchait pas de travailler, bien loin de là ; au contraire, il me donnait du contentement, partant, du courage. Je continuais, quand cela m’était possible, d’aller besogner hors de ma locaterie. J’avais trouvé pour la mauvaise saison un emploi stable et assuré ; c’était à la carrière du Pied de Fourche, derrière l’église, à l’est de la ville ; j’y cassais de la pierre pour le compte d’un entrepreneur qui faisait des routes. J’étais à la tâche, ce qui me permettait de venir à ma convenance, quand j’avais fini mon pansage du matin, et de rentrer à temps pour celui