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suffrages sur Napoléon, attendu que les autres ne s’occuperaient que des ouvriers des villes. On causait de cela dans tous les groupes de cultivateurs qui se formaient le dimanche après la messe, sur la place de l’Église, ou sur celle de la mairie.

— Mon maître a dit que si un républicain était nommé président, le blé ne se vendrait que vingt sous la mesure…

— Le mien m’a dit la même chose, reprenait un autre. Les républicains veulent que ceux des villes aient le pain pour rien.

— Ils feraient baisser la viande aussi, on peut en être sûr…

— On ne pourrait plus vivre en travaillant la terre…

Ces bruits avaient pris de l’ampleur et nous influençaient : comme mes confrères, je votai pour Napoléon.


XX


Après un séjour de six années, mes parents avaient été obligés de quitter la Billette, les relations étant devenues impossibles avec M. et Mme Boutry. Ils s’en étaient allés à l’autre extrémité de la commune de Saint-Menoux, du côté de Montilly.

Mon père ne vécut pas longtemps dans cette nouvelle ferme. Au mois de janvier 1849, deux mois après qu’il y fut entré, on vint me dire qu’il était gravement malade. J’allai le voir dès le lendemain et le trouvai très amaigri, très abattu, avec une forte fièvre qui, sous sa barbe longue, colorait ses joues creuses.

— Mon pauvre garçon, je suis perdu, me dit-il. C’est