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XIX


Il y avait certains travaux pour lesquels l’expérience me manquait beaucoup : ainsi, avant de me mettre à mon compte, je n’avais jamais semé. Dans les fermes, l’emploi de semeur était toujours affecté au maître ou à son fils aîné ; (à la Billette, mon parrain en était titulaire depuis un certain temps). Je crois bien que cette coutume de ne pas varier les rôles existe encore un peu. Il y a toujours le bouvier, le jardinier, le semeur. Le bouvier ne s’occupe jamais du jardin ; le jardinier ne sait guère labourer, ni soigner les bœufs. Et quand la séparation survient, l’un et l’autre se trouvent embarrassés.

Je semai donc la première fois inégalement et trop fort, et ma récolte en fut compromise. De plus, les voisins qui eurent l’occasion de voir mon blé se fichèrent de moi ; cela me fut pénible, malgré que je constatais qu’il y avait de quoi.

À vrai dire, les meilleurs semeurs n’obtinrent pas, cette année-là, de brillants résultats. À la suite d’une période de gels nocturnes et de soleils chauds, puis d’un printemps humide, la récolte de 1847 fut mauvaise entre toutes. Le froment se vendit huit francs le double et le seigle six francs. À la campagne, tous les pauvres gens étaient bien malheureux ; et dans les villes, à Paris surtout, il paraît que c’était encore pis.

Je savais cela par M. Perrier, un ancien maître d’école devenu agent d’assurances, qui habitait tout