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ménage n’était pas heureux. Je bénéficiai de ces exemples qui avaient amoindri aux yeux des Giraud le prestige des professions industrielles et commerciales.

Mon père s’était remis à flot ; il avait touché de M. Boutry huit cents francs au compte de la deuxième année, et je n’eus pas trop de peine à obtenir les trois cents francs exigés. Je fus donc agréé définitivement, et la noce eut lieu à la Saint-Martin de 1845 ; j’avais tout juste vingt-deux ans.

Ma femme resta avec ses parents et je continuai mon service à Fontbonnet où j’étais loué pour une seconde année. Chaque soir, après journée faite, je rentrais à la maison forestière, et chaque matin, au petit jour, je regagnais mon poste. Le dimanche, je continuais de faire les travaux, les corvées pénibles du beau-père, ce qui me faisait bien voir à la maison. Victoire se montrait aimable ; je n’avais ni responsabilité, ni inquiétude ; ce fut un des moments heureux de ma vie.


XVIII


Toutefois, cette situation ne pouvait durer longtemps. Dans le courant de l’année, j’appris qu’une locature était vacante à Bourbon, tout près de la ville, en bordure des Craux. (On appelait ainsi un communal granitique et pierreux, où croissait au ras du sol une herbe dure, de teinte noirâtre. Les Craux formaient la partie descendante d’un plateau fertile et aboutissaient à une vallée, à des prairies humides au travers desquelles coulait un ruisseau bordé d’aulnes). Je visitai cette locature qui me plut et la