Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les quelques consommateurs qui se trouvaient là s’entretenaient de la rixe :

— Ils en sauront long : il y a des coups de couteau.

— Ça sera peut-être de la prison !

— Rien d’impossible.

Aubert, toujours très énervé, donnait de grands coups de poing sur la table, disant qu’il se foutait de la justice :

— S’il faut aller en prison, on ira, voilà tout. Et ça ne m’empêchera pas de me battre encore quand on m’insultera. Ce que je ne veux pas, c’est passer pour feignant, non, jamais ! Les gas du bourg voulaient nous flanquer une trifouillée : eh bien, c’est eux qui la tiennent… Ils ne pourront pas dire que les laboureux sont des lâches !

Nous nous entendions tous pour déclarer que nous ne regrettions rien, que, d’ailleurs, toutes les bonnes raisons étaient de notre côté. Au fond, nous n’en étions pas moins très inquiets.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le lendemain, les gendarmes de Souvigny vinrent à la Billette pour m’interroger. Mes petits neveux, qui jouaient dans la cour, furent les premiers à les voir.

— Les gendarmes ! firent-ils d’un ton d’effroi, les gendarmes !

Ils vinrent se réfugier dans la grange où nous battions au fléau, mes frères et moi ; ils se blottirent derrière un tas de paille et n’en bougèrent plus.

Mes parents ne furent qu’à demi-surpris, car ils avaient vu le matin mes vêtements souillés, ma figure noire de coups ; et j’avais dû avouer que je m’étais trouvé mêlé à une dispute.

Les gendarmes m’interrogèrent sommairement et m’enjoignirent de me rendre au bourg de Saint-Menoux le lendemain à midi.