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pourraient, une fois mariés, se placer ensemble et gagner beaucoup. La Catherine s’habitua progressivement à cette idée qui, de prime abord, l’avait effrayée, à cause de la part d’inconnu qu’elle contenait. Elle s’y habitua d’autant mieux qu’elle voyait mes belles-sœurs lui tourner les yeux parce qu’elle délaissait le travail de la ferme pour celui des maîtres. De plus, Grassin, consulté par M. Boutry, se montra enthousiaste du projet. Elle accepta donc et partit pour Moulins dans le courant de décembre, malgré l’opposition de mes parents.


XV


J’eus, à dater de ce moment, passablement d’inquiétudes pour mon compte. Le bourg de Saint-Menoux était important ; il possédait au moins cinq auberges, dont l’une avait un billard, et une autre un jeu de boules ; on dansait à deux endroits les grands jours. Or, depuis que j’avais cessé de voir Thérèse, je m’étais débauché. Je sortais à peu près régulièrement un dimanche sur deux et, chaque fois, je demandais à mes parents une pièce de quarante sous. Quand ils faisaient. droit à ma demande, ils ne se dispensaient jamais de me faire une morale que j’écoutais tête baissée, sans répondre ; ou bien je disais carrément que j’entendais être récompensé de mon travail. Des fois, ils ne me donnaient que vingt sous et même rien du tout ; alors, furieux, je parlais d’aller me louer ailleurs.

Nous étions cinq ou six garçons de la classe pro-