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taqué ni en plaine ni en château, jusqu’à ce qu’il se soit soumis ou qu’il ait perdu la tête. Si le roi n’y tient pas la main, la France perd sa gloire, et lui-même est couronné à tort.

Un jour Charlemagne tint une cour plénière à Aix ; il y eut foule d’abbés et d’évêques, de comtes et de barons. Une grande solennité se passa dans la chapelle. Louis devait, ce jour là, être élu roi. La couronne était placée sur l’autel : le roi son père l’en devait couronner.

Un archevêque monta au lutrin et fit un sermon au peuple chrétien.

— Barons, dit-il, faites attention à mes paroles. Charlemagne est usé par les années, la couronne lui pèse ; il a un fils à qui il veut la donner.

Toute l’assemblée tendit les mains vers le ciel en s’écriant pleine de joie :

— Père de gloire, nous te remercions, qu’il ne nous soit pas échu un roi étranger !

L’empereur fit avancer son fils, et lui tint ce discours :

— Beau fils, tu vois la couronne qui est placée sur l’autel, je veux te la donner, mais j’y mets des conditions. Tu te garderas de péché et de luxure, tu agiras loyalement envers tout le monde, tu ne prendras pas à l’orphelin son fief. Si tu me le promets, je louerai Dieu ; tu pourras prendre la couronne, elle ceindra ton front. Sinon, laisse-la, je te défends d’y toucher.

Si tu oses la prendre, tu es empereur de Rome, cent mille hommes suivront ta bannière, tu pourras passer la Gironde, confondre ces païens de Sarrasins et joindre leur terre à ton héritage. Si tu me promets de faire cela, je te donne la couronne ; sinon, elle ne t’appartiendra jamais.

Le jeune homme ne remua pas le pied, ébahi de ce qu’il avait entendu ; il n’osa pas aller prendre la couronne.

Maint vaillant chevalier en pleura, et l’empereur irrité éclata en ces paroles :