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dois à Anfelise, mon épouse et votre sœur, si je mets la main sur Guillaume, il ne m’échappera pas. Je le vous livrerai et vous le donnerez à la charmante Orable, qui en fera son bon plaisir.

— Par Mahomet, s’écria Thibaut, voilà qui est bien parlé. Si vous faites comme vous dites, je vous rendrai riche : je vous donnerai la Toscane et la Barbarie, Corrocene et la ville de Rome avec sa banlieue.

Cela dit, ils s’avancent sur une voie antique. Bientôt Guillaume les aperçoit ; il appelle son père et lui dit :

— Voyez que de gens ! Que Jésus les maudisse ! Attaquons-les, frappons-les de nos lances et de nos épées, déchirons leur le ventre et la poitrine, et disputons nos corps et nos vies à ces Sarrasins qui ne nous aiment pas.

Et s’adressant à ses frères, il ajouta :

— Barons, ayez confiance en Dieu qui est tout-puissant. Ces païens sont furieux, parce que de ma lance j’ai blessé le roi Thibaut ; ils sont bien armés, et au premier rang il y a quatre-vingts enseignes, dix dragons et cinquante gonfanons ; mais par la foi que j’ai jurée au Roi de France ! je frapperai tellement parmi eux de ma bonne épée que Thibaut ne passera pas un jour de sa vie sans se plaindre.

Il fait sentir l’éperon à Baucent et brandit sa lance ; il en frappe un païen sur l’écu de Cologne et le perce de part et d’autre ; la forte maille du haubert est déchirée, le fer de la lance va se baigner dans le corps et l’homme tombe dans la plaine. Guillaume fait entendre le cri de guerre de Charlemagne : „Monjoie !” et à son exemple les guerriers français frappent admirablement.

Le combat devient formidable ; les païens et les Français frappent pêle-mêle ; l’un attaque, l’autre se défend. Que de heaumes luisants, que d’écus flamboyants d’or pourfendus ! Que de chevaux dont les rênes traînent à terre après que les cavaliers ont été massacrés ! Voyez comme Aymeric galope par la mêlée, l’écu au cou et l’épée au poing ! Il n’y a païen, quel-