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coups aussi violents que les siens, à la grande joie des Français.

Se couvrant de son écu et de son bâton, Guillaume rompit pour étudier le jeu de son adversaire. Celui-ci, plein de mépris pour le jeune homme, s’avança sans daigner se couvrir. Aussitôt que Guillaume s’en aperçut, il lui asséna sur l’échine un coup qui lui ouvrit les chairs et fit craquer ses os. Le Breton tomba à genoux, et avant qu’il pût étendre le bras pour se défendre, Guillaume le saisit par le menton et lui arracha les moustaches, de manière que les chairs ensanglantées pendirent de ses lèvres.

— Misérable ! lui cria-t-il, en ce moment tu as bien l’air d’un coquin. Tu me tendras enfin l’écu et le bâton, et nos damoiseaux n’auront plus à te craindre. Tu vas jurer sur les saintes reliques que jamais en ta vie tu ne feras plus le champion, et je te laisserai partir d’ici, car tu pourras encore être guéri.

Le Breton, ivre de colère, saute sur ses pieds, et furieux il se rue sur Guillaume comme un chien de basse-cour, pensant le renverser du choc. Mais le jeune homme n’en est nullement ému ; il s’avance vers son adversaire et lui porte un coup qui l’atteint au front ; la cervelle jaillit au loin et il tombe mort aux pieds de l’empereur Charles.

— Va-t-en au diable, cria Guillaume ; te voilà par terre. Puis appelant les écuyers et les serviteurs, il leur dit :

— Prenez-le moi et jetez-le hors de cette maison.

Et sans tarder ils exécutèrent ses ordres ; ils saisirent le cadavre par la tête et par les pieds, et le lancèrent dans les fossés du château.

— Voilà le misérable vaincu, dit Aymeric. Béni soit le bras qui sait si bien manier le bâton.

L’empereur se leva, et s’adressant à ses barons,

— Voici, dit-il, Aymeric venu à la cour avec une noble suite. Son fils Guillaume a tué le Breton ; il nous a tous vengés, je l’armerai chevalier devant vous.