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ric. Un noble roi portait devant lui une épée nue, symbole de la suprême puissance. À peine le jeune Guillaume s’en fut-il aperçu que, s’adressant au porteur du glaive, il lui dit :

— Ami, venez ici, cédez-moi l’épée et n’y touchez plus ; car c’est mon droit de la porter devant l’empereur.

L’autre, ne sachant qui lui parlait de la sorte, répondit :

— Arrière, méchant fou.

Irrité par cette parole, Guillaume fit un pas en avant et saisissant son interlocuteur par le poignet gauche, il le tourna trois fois en l’air et le lâcha.

Il alla tomber contre un pilier et peu s’en fallut qu’il n’eût le crâne fracassé :

— Misérable ! s’écria le jeune homme, je te trouve bien audacieux de ne pas obéir à mes ordres. Par l’apôtre qu’on invoque dans le pré de Néron ! si ce n’était pour Charles, je t’aurais fait sauter les yeux de la tête.

— Seigneur Dieu, fit l’empereur, doux roi du ciel, d’où ce diable d’homme nous vient-il ? Il me semble enragé, fou à lier. Qu’il est grand et fort, et quelle flamme brille dans ses yeux ! Qu’on le chasse d’ici au plus tôt. Il est bien osé de maltraiter ainsi ce baron ; il mérite qu’on lui coupe la tête pour avoir si vilainement troublé la cour.

Ces paroles rendirent Guillaume encore plus furieux.

— Mon empereur, dit-il, faites attention à ce que je vais vous dire. Je me suis rendu ici d’après vos ordres ; je n’ai pas voulu m’y refuser et je suis venu ; et maintenant vous voulez me faire outrager ! Mais par le Dieu qui souffrit le martyre sur la croix ! il n’y a ici homme, quelque haut placé qu’il soit, s’il ose faire un pas dans l’intention de toucher à mon corps, auquel je ne coupe la tête avec mon épée d’acier.

En disant ces mots il tira l’épée dont la lame brilla au soleil. Son père et plusieurs chevaliers de marque se portèrent en avant pour le retenir. Quand l’empereur les vit, il dit :