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pins et de lauriers. Arrivé là, Aymer dit à ses hommes :

— Cachez-vous ici. J’irai avec mon jeune frère Guibelin surprendre les païens dans leurs tentes. Quand vous entendrez le son de mon olifant et que vous verrez l’ennemi en désordre, venez à notre secours.

Là-dessus les deux fils d’Aymeric galopèrent droit au camp et ne s’arrêtèrent que devant la grande tente de Thibaut lui-même.

L’émir y avait réuni le roi Anfélis, Goliath et son frère Jupin, pour délibérer sur le genre de mort qu’on ferait subir à Buevon.

Aymer s’appuyant sur le bois de sa lance, adressa ces paroles à Thibaut.

— Seigneur émir, je suis venu ici afin que tu me rendes Buevon. Sinon, je te défie, toi et ceux que je vois auprès de toi.

— Voilà des paroles perdues, répondit Thibaut ; il sera pendu ce soir ou demain matin, et toi avec lui.

— Nous verrons bien, dit Aymer, et il lance son cheval sur un des compagnons du roi, lui perce la pelisse d’hermine et le cœur, et l’abat aux yeux de plus de cent Sarrasins. En même temps il reconnait Espaulart, le fils du Khalife, qui était venu au camp pour faire l’apprentissage des armes ; il lui passe par la tête une idée qui le fait sourire. En un clin d’œil il s’approche du jeune homme, le saisit par le corps et le couche sur son cheval. En même temps il crie à son frère :

— Venez, venez ! Pour Dieu ne restez pas en arrière !

Et il s’élança au grand galop de son cheval.

Thibaut devint blême de colère. Il s’écria :

— Mahomet ! à mon secours ! Je suis déshonoré. Il enlève Espaulart ; le Khalife me retirera toutes mes terres ; je suis perdu pour le reste de mes jours !

Cependant Aymer courait toujours, tenant dans ses bras le fils du Khalife. Celui-ci se débattait autant qu’il pouvait, espérant échapper ; mais Aymer le tenait fortement.