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Cependant un émir avait atteint Buevon d’un coup de lance et l’avait abattu par terre. Aussitôt bon nombre de païens s’étaient jetés sur lui et l’avaient fait prisonnier. Quand il fut désarmé on le conduisit à Thibaut, qui lui demanda :

— Chrétien, qui es-tu ? N’es-tu pas un des fils du vieil Aymeric ?

— Vous vous trompez, répondit-il, je suis le fils de son portier. C’est ma faute, si vous m’avez fait prisonnier.

— Bon, dit Thibaut ; demain, à la barbe des Français, tu seras pendu sur le sommet de cette colline.

Quand les deux autres frères rentrèrent à Narbonne, dame Hermengard vint les désarmer.

— Comment les choses sont-elles allées ? demanda-t-elle.

— Mal, répondit Guibert ; je crois que nous avons perdu mon frère Buevon. Il a été fait prisonnier et conduit à Thibaut.

Quand la dame apprit le sort de son fils, elle tomba sans connaissance sur le marbre. Aussitôt qu’elle fut revenue à elle, Aymer lui dit :

— Laissez ces cris et donnez-nous quelque chose à manger.

— Ma foi, vous l’avez bien mérité, dit-elle. Cependant j’ai le cœur gros à l’endroit de Buevon ; je crains que les païens ne l’aient déjà tué.

On corna l’eau et ils s’assirent au dîner. Il n’y eut si mince serviteur qui, ce soir là, ne mangea autant qu’il voulut.

Après dîner on se coucha. Les deux jeunes gens occupèrent le même lit ; mais l’inquiétude sur le sort de Buevon les empêcha de dormir. Ils se lèvent de grand matin, endossent leurs hauberts, lacent les heaumes brunis et ceignent les épées aux poignées d’or massif. Puis, étant montés à cheval, ils pendent à leurs cous leurs écus bombés, prennent chacun une forte lance et sortent de la ville à la tête d’une troupe de cent hommes.

Non loin de Narbonne il y avait un petit bois touffu de