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Aussitôt que Thibaut la vit entrer, il sourit de plaisir. Il alla à sa rencontre et la prit par le pan de son manteau pour la conduire à un siége. Ensuite il l’embrassa, lui donnant une douzaine de baisers.

— Thibaut d’Arabie, s’écria Orable, vous commettez une lâcheté, sachant que je dois me faire baptiser et épouser Guillaume.

— Ne parlez pas ainsi, répondit Thibaut ; croyez-vous déjà au fils de Marie ?

Cependant Clariel força sa sœur à épouser le roi Thibaut, qui donna à sa fiancée tant de pièces de drap d’or et tant de vaisselle précieuse que deux cents mulets d’Espagne porteraient à peine toutes ces richesses.

En les voyant, la pucelle dit entre ses dents :

— Par ce Dieu qui gouverne le monde, je donnerai tout cela à Guillaume, qui s’en servira pour faire la guerre à Thibaut d’Arabie.

Après la cérémonie elle se retira dans sa chambre, où elle éclata en sanglots.

— Malheureuse, dit-elle, que faire ! Me voilà la femme de Thibaut, et malheureuse pour la vie. Seulement Thibaut ne me touchera pas du doigt. Ah ! Guillaume, nos amours ont peu duré et elles sont pleines d’amertume. Qu’est-ce qui m’empêcherait d’aller à lui, puisque j’ai ce mariage en horreur ? Ah ! Clariel, mon frère, vous avez mal agi, puisque vous aviez promis ma main à Guillaume, mon ami.

— Ne vous lamentez pas, répondit Clariel. Si vous voulez, je lui couperai la tête cette nuit quand il sera couché.

— Par Mahomet ! dit Orable, je ne permettrai pas cette trahison. Mais envoyons un message à Guillaume, afin qu’il sache ce qui se passe.

Elle écrivit elle-même une lettre ; car elle savait écrire et n’avait pas besoin d’un secrétaire ; et elle chargea son chambellan de la porter à Guillaume.

Cependant le festin des noces commença dans le palais