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demoiselle de tous nos pays. Si elle m’accepte pour époux, elle sera riche ; je lui assurerai pour douaire l’Esclavonie, la Pouille, la Calabre, Fiésole et la Romanie, l’Afrique et la riche Arabie : tout cela m’appartient par droit de naissance.

— Ah ! les riches terres ! s’écria Acéré. Je voudrais que vous l’eussiez déjà épousée, et que mon frère vous donnât cette ville qui est belle et forte !

Clariel ne fut pas de cet avis ; il dit avec hauteur :

— Thibaut, ne pense pas à cette folle entreprise ! Certes, Guillaume ne la laisserait pas en ta possession. Du moment qu’il sera armé chevalier, il viendra réclamer la ville, sur laquelle il prétend aussi avoir des droits. Et tu es bien osé de vouloir épouser Orable ; car fût-elle ta femme, et t’eût-elle donné un enfant, Guillaume viendrait te l’arracher.

Ces paroles mirent Thibaut en colère.

— Par Mahomet ! fit-il, ce sont là des folies. Pourquoi toujours me parler d’un garçon qui ne possède pas un gant plein de terre et qui ne porte pas même d’épée à la ceinture ! Vous savez si j’ai du courage ; eh bien ! en quelque lieu que je le trouve, je le traînerai après moi par le bras, lui, ses armes et son cheval.

— Vous vous vantez, dit Clariel ; tous vos parents n’y parviendraient pas, et seul, vous en êtes tout-à-fait incapable. Quand il aura endossé le haubert et ceint l’épée, il sera bien redoutable, puisque déjà il nous a tué nos gens avec un simple bâton. — Mais afin que vous ne disiez pas que je retire ma parole, allons voir ma sœur.

— Je ne demande pas mieux, dit Thibaut. Montez au palais et amenez-moi Orable.

Clariel y ayant consenti, ils montèrent ensemble l’escalier conduisant à la grand’ salle. Thibaut admira les magnificences du palais : les murs en sont décorés de peintures admirables, représentant des ours, des lions, des sangliers,