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Et Clariel qui était plus fin que les autres, dit à Guillaume :

— Monseigneur, accordez-nous une trève pour l’amour de dame Orable, et je vous promets que je vous ferai obtenir sa main.

— Soit, dit Guillaume, je vous l’accorde, et malheur à celui qui osera encore lever la main sur vous.

Les Sarrasins se hâtent de profiter de cette parole : ils se mettent en route sans plus attendre.

Cependant Aymeric avait rejoint Guillaume et s’était jeté dans ses bras.

— Tu as été dans une mauvaise passe, mon fils, dit-il. Et qui t’a blessé à l’épaule ?

— Un Sarrasin, monseigneur ; mais il n’a pas eu longtemps à attendre sa récompense : je l’ai abattu sur place.

Aymeric, dans sa joie, voulut poursuivre l’ennemi et donna l’ordre à ses trompettes de sonner la charge. Mais Guillaume l’arrêta en disant :

— Pardonnez-moi, mon père ; mais je leur ai accordé une trève qu’ils me demandaient au nom de la comtesse Orable.

— Que ta volonté soit faite, dit Aymeric.

Les païens ne furent donc pas inquiétés dans leur retraite. Ils ne s’arrêtèrent qu’à Orange. Et Orable, qui du haut de la tour les avait vus venir, vint au perron où ses frères descendirent de cheval. Elle les débarrassa elle-même de leurs épées, et s’adressant à Clariel, elle lui dit :

— Par l’âme de ton père, dis-moi, frère, qui a réduit nos gens en cet état ? Ce doit être un homme puissant celui qui a vaincu de tels guerriers.

Et Clariel lui répondit :

— Par Mahomet ! je n’ai rien à vous cacher ; car tout cela est arrivé bien malgré nous, qui n’avions pas conseillé cette échaffourée. L’émir qui commandait nos forces gît mort sur le champ de bataille, et plus de sept cents hommes