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Et il jeta sa perche aussi loin qu’il put : puis il s’approcha des Sarassins pour causer avec eux, sans craindre de leur part aucune trahison. Mais voilà qu’un lâche païen tire une épée flamboyante et en frappe soudain Guillaume ; il le blesse à l’épaule et lui tranche une partie de la manche de son bliaut avec l’amulette qui y était attachée et que lui avait donnée sa mère au départ de Narbonne.

Furieux, Guillaume frappe le païen à la face d’un coup de poing si violent qu’il lui brise les dents et la machoire, et le jette mort au bas de son cheval.

Alors les Sarrasins se ruèrent sur lui au cri de Goliath :

— Or sus ! s’il vous échappe, vous êtes tous des hommes morts.

On arrache Guillaume de son cheval et l’on court saisir sa perche qui est bientôt brisée en morceaux.

Cependant Baucent s’effraie du tumulte ; il hennit, il mord, il lance des ruades et écartant la presse, il retourne au camp.

Guillaume reste prisonnier ; on lui lie les mains, et Clariel d’Orange commence à le railler :

— Seigneur Guillaume, vous avez eu du malheur, et le butin que vous avez conquis ne vous servira pas à grand’chose. Je ne vous rendrai la liberté pour âme qui vive ; je vous jetterai dans une prison dont vous ne sortirez jamais. Et je le ferai savoir au roi Thibaut, qui vous traitera selon son bon plaisir.

— Misérable, fit Guillaume, que Dieu te damne ! Passe outre et laisse-là tes injures. Je ne demande pas mieux que d’aller à Orange, où je verrai la grande tour et le palais de Gloriette et la noble comtesse Orable au fier visage, que le roi Thibaut croit épouser. Mais par Saint Legier ! si jamais je suis chevalier je le défierai en combat singulier et je lui couperai la tête.

Pendant que les Musulmans commettaient cette trahison, un des hommes de Guillaume en est allé porter la nouvelle à Bernard qui était resté à l’arrière-garde.