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venez de me dire. Retournez vers Orable et saluez-la de ma part. Dites-lui que je vous ai montré le bon Baucent, et répétez-lui, que si jamais je suis chevalier, elle me verra venir caracoler sous les murs d’Orange, et que si j’y rencontre Thibaut, je lui couperai la tête. Ensuite je la ferai baptiser et je l’épouserai. Je lui envoie cet anneau doré : qu’elle le conserve bien et ne le donne pas à Thibaut l’Esclavon ; si elle veut le regarder tous les jours, elle ne perdra jamais mon amour.

— Je vous obéirai, dit le messager, qui prit l’anneau et retourna à Orange.

Guillaume, de son côté, alla aux tentes et dit à son père :

— Êtes-vous réveillé ou dormez-vous ? Comme qu’il en soit, levez-vous tout de suite ; car ceux d’Orange sont à cheval au nombre de cinq mille : s’ils nous trouvent ici, nous sommes certains de mourir.

— Nous sommes déjà restés trop longtemps, répondit le comte, et en un clin d’œil il fut levé et habillé comme il sied à un prince. Guillaume lui dit :

— Par Saint Honoré ! nous ne partirons pas comme cela : il ne faut pas qu’un denier du butin que nous avons conquis reste ici. Qu’il soit chargé sur les sommiers : les écuyers le convoieront, et vous, mon père, qui connaissez si bien les défilés des montagnes et les gués, vous vous mettrez à leur tête. Quand à moi, je resterai ici avec nos gens. Je ne quitterai pas cet endroit, sans avoir vu et compté les Sarrasins qui ont endossé leur armure pour moi, dût-il m’en coûter la vie. Et par Saint Pierre ! je frapperai si bien avec ma perche que j’élèverai une citadelle avec leurs cadavres.

Là-dessus il fit charger le butin, et Aymeric à la barbe se prépara à partir à la tête du convoi.