Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37

— Un grand malheur, répond le Sarrasin. J’ai perdu tous mes hommes. Vous m’avez confié ce matin un bon destrier destiné à votre futur, monseigneur Thibaut ; eh bien ! il ne l’aura pas, puisqu’il est en la puissance de Guillaume, le fils du vieil Aymeric de Narbonne. Il n’est pas encore chevalier ; mais il va en France trouver Charles au fier visage, afin d’être armé chevalier à la Pentecôte. Il vous envoie ses salutations et son amitié, et vous prie de ne pas vous chagriner, s’il est en possession de votre coursier ; car aussitôt qu’il sera chevalier vous le verrez caracoler sous les murs d’Orange sur Baucent-le-brun, et s’il y rencontre monseigneur Thibaut, il le tuera ; ensuite il vous fera baptiser et vous épousera en mariage légitime. Il vous envoie par moi un bel épervier de quatre mues.

Quand Orable entendit parler de Guillaume, elle changea de couleur. Elle dit au roi :

— Monseigneur, descendez de cheval, car vous êtes extrêmement fatigué. Je vous aurai bientôt guéri, et vous ne mourrez pas de vos blessures.

Elle se mit à le désarmer elle-même : elle lui ôta son heaume ainsi que son haubert et le fit asseoir sur le gazon. Il avait perdu tant de sang qu’il s’évanouit. La noble Orable cueillit des plantes médicinales et lui en frictionna le corps ; au bout d’une demi-heure il se sentit mieux portant que jamais.

Alors Orable s’assit à côté de lui sur un coussin de brocart, et ils se mirent à deviser.

— Madame, fit le roi, faites donc apporter l’épervier que vous envoie le plus beau bachelier de toute la chrétienté, et qui est si valeureux que, sans porter les armes d’un chevalier, avec une simple grosse perche, il a tué et mis en fuite nos hommes.

Orable ne put réprimer un sourire :

— Monseigneur, répondit-elle, faites apporter l’oiseau.

On le lui présenta et elle l’accepta avec grande joie.