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vieil Aymeric de Narbonne, qui s’est constitué l’héritier de son cheval. Dites-lui qu’il n’est pas encore chevalier, mais qu’il va en France trouver l’empereur Charlemagne qui, à la Pentecôte, doit le créer chevalier. Portez à Orable mon salut et mon amitié, et dites-lui de ne pas se chagriner si j’emmène son destrier. Si Dieu me prête vie jusqu’à ce que je sois chevalier, je viendrai sous les murs d’Orange caracoler avec le brun Baucent. Et si j’y rencontre monseigneur Thibaut l’Arabe, les coups de mon épée d’acier tomberont si dur sur son heaume resplendissant que les quartiers en voleront par terre. Ensuite je ferai baptiser la dame et je l’épouserai en légitime mariage. Je lui envoie par vous un excellent épervier de quatre mues.

— Par ma foi ! je ferai volontiers votre commission.

Et Guillaume, plein de joie, court à son écuyer qui gardait son épervier, et remet l’oiseau à Aquilant.

Celui-ci reprend le chemin d’Orange, où il arrive à la nuit tombante, triste et irrité d’avoir perdu plus de quatre mille hommes que ceux de Narbonne lui avaient tués.

Orable, accompagnée de quatre nobles Sarrasins et de dix belles pucelles, était descendue dans le parc planté de pins et d’oliviers, et se promenait le long du ruisseau qui serpentait à l’ombre des arbres. Il s’y trouvait des herbes d’une rare vertu, car si blessé qu’eût été un homme, dès que ses plaies étaient frottées du suc de ces plantes, il était guéri et en aussi bonne santé qu’un poisson dans l’eau.

Aquilant fut introduit dans ce parc par un guichet ; son écu était troué, les mailles de son haubert rompues, il était couvert de sang de la tête aux pieds : son éperon d’or était tout rouge. On voyait bien qu’il revenait d’une bataille.

Quand Orable l’aperçut elle courut à lui et lui dit :

— Dites, beau sire, que vous est-il arrivé ?