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a une fontaine sortant d’un rocher ; jamais chrétien n’y séjourna, sauf un hermite qui vient de mourir, tué par les Sarrasins. Tu y trouveras une cabane et une chapelle ; sois y hermite, Dieu te l’ordonne.

— Je ne tarderai pas à m’y rendre, répondit Guillaume, et l’ange disparut.

Le lendemain au point du jour le comte demanda à l’abbé la permission de partir, que celui-ci ne lui refusa point, car il se sentait très-heureux de ce départ, et ses moines non moins que lui.

Guillaume alla à l’écurie et sella lui-même son cheval. Il s’arma et se mit en selle. L’abbé lui donna vingt livres, à condition qu’il ne reviendrait pas, ce que le comte lui promit.

Il part, et va tout d’un trait jusqu’à l’endroit que l’ange lui avait indiqué. Il entre dans la cabane et trouve la chapelle et l’autel. C’est là qu’il servira Dieu, en pénitence de ses nombreux péchés. Il attacha son cheval avec un collier en cuir de cerf, et commença tout de suite à se procurer des pierres pour restaurer la chétive habitation. En peu de mois il l’eut reconstruite et entourée d’une forte muraille pour se garantir des Sarrasins qu’il redoute.

L’habitation était située sur une hauteur, et au-dessous il y avait un ravin dans lequel mugissait un torrent qui descend d’un rocher, et que nul ne peut traverser sans s’exposer à un malheur.

Un jour que Guillaume regardait ce passage perilleux, où tant de gens avaient trouvé la mort, la pensée lui vint d’y jeter un pont de pierre, pour les pauvres gens, les pélerins et les hommes de peine qui vont à pied, qui n’ont cheval ni bateau pour traverser l’eau. Car il comprenait bien que les pélerins passaient par là pour aller prier à Saint-Gilles, ainsi que ceux qui allaient à Rochemadoul honorer Notre-Dame-du-rocher.

Tout de suite il se mit à l’œuvre ; il se procura des