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— Que Dieu et la sainte Vierge nous soient en aide, dit l’abbé ! Il ne peut avoir gagné toutes ces richesses sans avoir commis plusieurs homicides, et pillé moûtier ou abbaye. Tenez la porte fermée, je ne me soucie guerre de subir encore ses mauvais procédés. Tant que je vis il n’entrera pas ici.

— Au nom de Dieu, seigneur abbé, tenez ferme ! Car s’il rentrait, il nous dirait des injures et nous battrait encore.

Cependant voilà Guillaume à la porte, et le valet se mit à crier :

— Ouvrez la porte et venez prendre le fruit de notre pêche et tous ces chevaux ! L’abbaye sera riche, et cela par le seul bras de Guillaume. Certes, il a bien mérité sa place à table, et pour toute sa vie il a droit de s’y asseoir.

Les moines, en entendant ces cris, sont mornes et consternés ; ils avaient espéré qu’il ne reviendrait pas. Enfin ils répondirent d’une voix aigre :

— Demeurez là : vous n’entrerez pas ici, car vous êtes des voleurs de grand chemin.

Guillaume s’avance vers la porte qu’il trouve fermée et bien verrouillée. Il somme le portier d’ouvrir en lui criant :

— Ouvre la porte. Que Dieu confonde ta gorge ! Viens prendre les poissons que j’ai sur ces sommiers. Il y a des brochets et des aloses, de bonnes truites aux grosses têtes, de beaux esturgeons et de magnifiques saumons.

— Oui-da, dit le portier, je ne t’ouvrirai pas ; car par l’apôtre saint Pierre ! si de gré ou de force tu entrais, nos pauvres moines le paieraient cher.

— Ô mon Dieu tout puissant, fit le comte, inspire moi ! Je comptais me reposer chez ces moines ; qu’a donc l’abbé, qu’il ne veut pas me laisser entrer ? Lorsque les larrons voulaient me maltraiter, Dieu m’a protégé contre leur fureur ; il paraît qu’ici on ne me veut pas plus de bien et que la douceur ne m’ouvrira pas cette porte.

Son cœur commence à battre fortement dans sa poitrine ;