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Quand Guillaume l’eut aperçu, il galopa de ce côté en brandissant sa perche de ses deux mains. Les gardiens prirent la fuite et abandonnèrent le cheval. Le jeune homme, plein de joie, saisit Baucent par la bride, sauta en selle et lui fit sentir ses éperons d’argent. Le noble animal fit un saut de trente pieds, au grand contentement de Guillaume, qui jura par le Dieu tout-puissant que desormais pas un Sarrasin ne lui échapperait. Il se précipite aussitôt au milieu de la mêlée et renverse tant d’ennemis par terre que le champ en est couvert. Les autres fuient et parmi les fuyards se trouve Aquilant blessé qu’on avait hissé sur un mulet. Guillaume, qui les poursuit chaudement, lui crie :

— Noble Sarrasin, que fais-tu ? Retourne-toi vers moi, et je te jure par tout ce qui t’est sacré que je ne te frapperai pas.

À ces mots Aquilant tourna sa monture du côté de son interlocuteur et lui dit :

— Damoisel, vous me paraissez fort et impitoyable, et votre grande perche nous fait grand’ peur….

— Comment t’appelles-tu ? interrompit Guillaume. Réponds-moi sans ambages, et je ne te toucherai pas.

— Je m’appelle Aquilant et je suis né à Luiserne-sur-mer. Je reviens du château d’Orange où j’ai été demander en mariage Orable, la pucelle au fier visage, pour monseigneur Thibaut. Il n’y a pucelle au monde qu’on puisse lui comparer. Elle-même me servit à dîner, et c’est elle encore qui me confia le bon cheval que vous avez enfourché. Ah ! celui qui pourrait la serrer nue dans ses bras une seule nuit, se sentirait heureux pour le reste de ses jours ! Je n’oserai jamais retourner auprès d’elle, ni auprès de Thibaut mon seigneur et maître, car il me ferait tuer.

— Ce ne serait pas bien, répondit Guillaume ; car celui qui succombe à la force n’est pas punissable. Vous pourrez dire à la belle Orable que c’est Guillaume, le fils du