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bandits ; nous ne prisons pas un denier monnoyé ni clerc ni prêtre, ni évêque ni abbé. Vous êtes trop riches et vous regorgez de biens. Vous feriez bien de donner tout cela aux pauvres gens, et de suivre un meilleur genre de vie. Ne pensez qu’à chanter vos matines, et laissez-nous le soin de voler et de piller. Vous n’emporterez pas un denier de tout le bien que vous avez amené ici.

Ils se ruent sur le valet, le jettent à terre, lui lient fortement les mains et les pieds et le renversent dans un fossé. Puis ils se tournent vers le comte en lui criant :

— Seigneur moine, te voilà pris.

Que Dieu le protége ! il en aura bien besoin, car les brigands qui l’entourent sont féroces. Ils saisissent le cheval par le frein, le tirent et le poussent de tous côtés.

— Que ce moine est grand ! dit l’un d’eux.

— Oui, répond un second, il a l’air brave ; voyez comme ses yeux roulent dans leur orbite. S’il se courrouce, il nous donnera du mal.

— Que ses gants sont richement garnis d’or, dit un troisième ; je ne désire pas autre chose de lui.

Et il ordonne au moine de les lui remettre.

— Les voilà, répond celui-ci, je vous les donne non sans peine ; mais je vois bien que je ne passerai pas sans cela. Si vous me laissez libre sans plus rien me demander, par Dieu qui m’entend ! vous n’y perdrez rien.

— Taisez-vous, repartit le chef de la bande. De tout l’avoir que vous portez sur vous, vous n’emporterez pas pour la valeur d’un gant.

— Croyez-moi, fit Guillaume, c’est un grand péché ce que vous faites.

Ils exigent son froc et le vêtement qu’il portait dessous ; et il leur accorde tout cela sans faire résistance. Mais intérieurement il se dit :

— Je suis un niais ; c’est trop de patience. Par la foi que je dois à saint Paul, j’en aurais déjà dû tuer quatre ou cinq.