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III.


Le bois de Beaucler.


Le comte, content de la permission qu’il avait obtenue de l’abbé, se rendit dans la ville pour se faire confectionner une ceinture du tissu le plus précieux qu’on pût trouver. Il ordonna à un orfèvre de l’enrichir de besans d’or et de boutons du même métal. Il y fit attacher une agrafe qui lui coûta plus de cent sols.

Il attacha cette ceinture à sa culotte en se disant :

— Tu me coûtes cher ; mais tu sauteras aux yeux, et celui qui se mettra à te convoiter, il n’a qu’à venir te prendre et par le corps de saint Richer ! il paiera cher son audace.

Ensuite il vint à l’abbé et lui dit :

— Seigneur, je me mets en route ; et si les larrons m’attaquent et veulent me dépouiller de mes vêtements, pour vous obéir je les leur laisserai prendre ; je leur laisserai même le cheval qui doit me porter. Mais s’ils en veulent à la ceinture que j’ai fait préparer, ils trouveront à qui parler. Celui qui osera s’approcher de moi, paiera cher son audace ; il sentira mon poing sur son crâne, de manière à faire sauter sa cervelle. Ce sera une leçon pour les autres.

L’abbé se signa à ces paroles, et plus d’un moine murmura à l’oreille de son voisin :

— Par saint Denis ! cet homme est enragé. Si les bandits ne viennent à bout de lui, nous avons fait une vilaine besogne.

Le comte Guillaume prit congé d’eux, et l’abbé lui fit donner plus de dix livres pour faire ses achats ; puis on lui apprêta deux chevaux de somme qu’un valet devait conduire. Le comte monta à cheval et sortit du cloître ; les moines qui le virent partir, le donnèrent tous au diable.