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— Sire abbé, dit-il, que me voulez-vous ? Tous ces moines me regardent en travers ; mais par l’apôtre qu’on va visiter à Rome ! s’ils me donnent encore la plus petite raison de mécontentement, j’en mettrai tant par terre qu’ils n’auront plus envie de chanter matines. Ils feront mieux de ne pas me contrarier.

Quand les moines l’entendirent, ils commencèrent à trembler, et ils se dirent en chuchottant :

— Nous avons rencontré le malheur. S’il vit plus longtemps, nous y passerons tous.

L’abbé prit la parole :

— Guillaume, dit-il, écoutez-moi. Si vous voulez faire ce qu’on vous commandera, tout le chapitre vous en saura bon gré.

— Oui, seigneur, répondit Guillaume, je vous le promets au nom de Dieu.

— Eh bien ! reprit l’abbé, vous irez à la mer acheter des poissons ; nous vous donnerons de l’argent pour les payer et deux bêtes de somme, conduites par un valet, pour porter votre achat. Mais il y a une chose que je ne veux pas vous cacher, car en chapitre il ne faut pas dévier de la verité : vous passerez par le bois de Beaucler, où il y a des larrons redoutables, qui font métier de voler les gens. Nul homme, fût-il clerc, prêtre ou moine tonsuré, n’y passe sans être attaqué. S’ils vous prennent votre cheval, les vêtements même que vous portez, consolez-vous en ; mais ne songez pas à combattre.

— Dieu ! dit Guillaume, jamais je n’ai entendu chose pareille. Jamais je ne me suis mêlé d’aucun marché, ni pour vendre ni pour acheter. Et quant aux larrons qui voudront me voler, je les mettrai à mort.

— Taisez-vous, dit l’abbé, chassez ces pensées ; vous êtes moine et vous ne devez pas vous battre.

— Comment, reprit Guillaume, je serai donc maltraité et je mourrai d’une mort honteuse ?… Pour Dieu, sire