Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/370

Cette page a été validée par deux contributeurs.
367

Le comte prit l’écu par la courroie de brocart et le plaça sur l’autel de marbre. Il y est encore, et tous ceux qui vont à Saint-Gilles peuvent s’en assurer de leurs yeux.

Après cela le comte se remit en selle, sortit de la ville et commença son voyage.

Il prit la direction de Gênes pour chercher l’abbaye que l’ange lui avait indiquée. Il fit tant qu’il se vit bientôt à la porte de la ville. Il s’achemina droit au moûtier, à l’entrée duquel il descendit de cheval. Il s’avança jusqu’à l’autel où il déposa ses armes, dont il ne se servira plus jamais, à moins que Louis n’ait grand besoin d’être défendu contre les Sarrasins qu’il haïra toujours.

Ensuite il entra dans le cloître, et, sans hésiter, se présenta devant l’abbé.

— Que Dieu vous garde, abbé ! C’est vous que je cherche. L’abbé le reconnut aussitôt. Il le fit asseoir à ses côtés et lui demanda :

— Sire Guillaume, qu’est-ce qui vous amène ici ?

— Je ne veux rien vous cacher, fit le comte. Un ange que Dieu m’a envoyé, m’a ordonné de me rendre ici et de me faire moine. Recevez-moi ; ce sera une grande charité.

— Volontiers, monseigneur, répondit l’abbé. Vous serez moine ; car je pense que le chapitre ne vous refusera pas. La vie est dure au couvent. Ce sera une pénitence pour les péchés que vous avez commis, car vous avez fait tuer et mettre à mort maint homme.

Or dites-moi, savez-vous chanter et lire ?

— Oui, pourvu que je n’aie pas à regarder dans un livre. Mais vous serez mon maître, vous qui savez bien écrire sur parchemin et sur tablettes de cire.

En entendant cela, l’abbé se mit à rire, ainsi que tous les moines du chapitre.

— Sire Guillaume, reprit-il, vous êtes un preux. Je vous le jure par Dieu, nous vous apprendrons à lire votre psautier et chanter matines et tierce, none et vêpres