Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34

ne viendra pas à votre secours, puisqu’il ignore que vous en avez besoin.

En ce moment même voici Guillaume arrivant au grand galop de son cheval et tenant à deux mains sa grande perche. Lorsque les païens l’aperçurent, ils eurent peur et se dirent :

— Voyez-vous ce furieux ? Mahomet ne garantira pas celui qui sera atteint par ses coups.

Et ils fuient tous, tant qu’ils sont, laissant Aymeric seul au milieu du champ. Il fut bien aise d’être délivré, et voyant passer près de lui un cheval, il étendit la main et l’arrêta. Étant monté en selle, il saisit une lance qui gisait par terre et en porta un tel coup au premier Sarrasin qui se présenta, que les mailles du haubert se rompirent : il lui passa la lance du travers au corps et l’abattit mort sur place. Puis il dit à Guillaume :

— Mon fils, voyez que d’armures. Prenez un des hauberts et un des heaumes pour vous armer.

Mais Guillaume ne voulut pas en entendre parler. Il jura par Dieu qu’il ne porterait d’armure, avant qu’il fût en France, auprès du puissant Charlemagne.

— L’empereur me donnera des armes quand je voudrai ; je les prendrai avec plaisir ; car j’en serai plus redouté des mécréants.

Puis, jetant les yeux autour de lui, il vit sur le flanc d’un versant Baucent, le noble cheval, qui avait appartenu à l’émir. Orable l’avait longtemps fait soigner à Orange d’une manière particulière. On lui frottait les flancs avec des peaux d’hermine. Il portait sur son dos une selle d’ivoire, et le frein de sa bride valait des milliers de besans. Il était couvert d’une couverture précieuse, de couleur éclatante, traînant jusqu’à terre. Il était confié à la garde de deux neveux du roi Aquilant, qui avaient sous leurs ordres quatorze Nubiens. Quatre hommes le maintiennent par deux chaînes d’or.