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À ces mots ils prirent la fuite et coururent à bride abattue en se disant :

— Renouard est fou ; c’est grand dommage, car jamais pareil homme ne fut né de mère. Il ne se gênerait pas pour nous tuer ; que cent diables l’emportent !

Et ils éperonnèrent leurs chevaux de plus belle et ne s’arrêtèrent qu’à Orange.

Ils montèrent l’escalier de marbre de la grand’ salle, où ils trouvèrent le comte Guillaume. Ils lui racontèrent comment Renouard les avait épouvantés dans sa colère d’avoir été oublié au souper.

— Il ne fait que menacer et nous a commandé de vous avertir qu’il est votre ennemi. Il n’y a que dame Guibor à laquelle il envoie ses saluts. Il dit qu’il ira dans le pays où il est né, qu’il y rassemblera cent mille païens armés, avec lesquels il prendra Orange et dévastera le pays.

À cette nouvelle le front de Guillaume se rembrunit.

— Il ne faut pas le blâmer, dit-il ; c’est moi qui ai agi en fou, et non pas lui.

Il appela vingt chevaliers et leur ordonna de ramener le fugitif ; mais sans le traiter durement. Ils devront lui demander pardon de ce que le comte ne l’a pas invité à son soupé ; et Guillaume lui fera ses excuses en présence de sa femme et des Français ; car il voudrait bien pour mille livres d’or pur ne pas l’avoir oublié.

Les chevaliers montèrent à cheval et coururent après Renouard qu’ils atteignirent à la montée d’un tertre. Bien qu’il eût l’épée au fourreau, ils n’osèrent pas s’approcher de lui et lui crièrent de loin :

— Seigneur Renouard, nous venons de la part du marquis Guillaume au fier visage, pour vous dire que dans son palais il fera droit à toutes vos plaintes.

— Cessez votre plaidoirie, répondit Renouard ; car par Mahom ! il n’y a réparation qui vaille. Je n’ai que faire d’or ou d’argent. Fils de putains, je ne vous estime pas