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vendre pour vivre. Par le nom de Dieu ! vous serez punis pour avoir dévasté son champ.

— Nous ne les avons pas volées, sire chevalier, vous faites trop de bruit pour si peu de chose.

— Vous les avez prises sans permission ; je vais solder votre compte avec mon épée.

Il se jette sur eux et les met tous à mort ; ils ont payé cher ces fèves vertes. Le vilain ne fit qu’y gagner, puisque Renouard lui fit don des armes et des chevaux des Sarrasins.

Cependant l’armée française s’était mise en marche vers Orange, au son des clairons et des cors. On se presse pour arriver et l’on passe la porte en tumulte. Aussitôt on corna l’eau dans le palais de Gloriette et les chevaliers, ayant fait leurs ablutions, se mirent à table, où ils furent servis par quelque cents bacheliers choisis parmi les plus nobles du pays.

Personne, pas même le comte Guillaume, ne songea à Renouard, et l’on soupa sans lui.

Cependant Renouard était revenu à Orange, furieux que Guillaume fût parti sans lui et qu’il n’eût pas songé à l’inviter à sa table. La menace à la bouche et les yeux en pleurs, il rebrousse chemin. Des cavaliers attardés qui le rencontrent s’étonnent de son courroux et lui demandent ce qu’il a ?

— Il y a bien de quoi être furieux, leur répond Renouard. Le comte Guillaume me traite comme le dernier des hommes ; il m’a laissé en route et ne m’invite pas à souper ; il me laisse dans le fossé comme le premier ribaud venu. Et cependant je suis de meilleure famille qu’il n’est lui-même ; Desramé, à qui trente rois couronnés obéissent, est mon père. Et c’est mon bras seul qui a décidé du sort de la bataille ; j’ai combattu et tué mes parents et mes amis, j’ai délivré ses neveux, et j’en suis bien mal récompensé par Guillaume au court nez. Je vois bien que le proverbe dit