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— Comment cela s’est-il fait, demanda le comte ?

— Je vous le dirai. Des milliers de Sarrasins ont pris les fèves de ce vilain et se sont établis dans son champ. Je vous prie, laissez-moi y aller, si vous ne voulez pas me faire enrager.

— N’y allez pas seul, mon ami, répondit Guillaume. J’ai peur que vous ne succombiez ; je ferai aller mille chevaliers avec vous.

— Vous n’en ferez rien, monseigneur. Ne craignez rien, je ne me laisserai accompagner par personne. Si je ne parviens pas à les punir moi seul, vous ne me donnerez pas à souper.

— Laisse-l’y aller, frère, dit Aymer ; les païens ne tiendront pas contre lui.

— Eh bien ! dit Guillaume, qu’il défende les fèves et punisse le forfait !

Renouard le remercia de cette permission et courut avec le pauvre homme vers son champ. Il y vit beaucoup de païens armés de toutes pièces et leur cria :

— Fils de putains, c’est pour votre malheur que vous avez pillé ce champ. La garde m’en est commise et j’en percevrai le péage. Vous me donnerez mille marcs d’or, ou vous serez pendus par la gueule. Canailles, vous aviez trop bu, quand vous avez volé ce pauvre homme ; mais je vais vous confondre.

Quand les Sarrasins reconnurent Renouard, ils se dirent :

— C’est fait de nous ! Voici celui qui a décidé la victoire en Aleschant. C’est le diable lui-même qui nous l’envoie. Nous sommes morts du moment qu’il nous a aperçus.

Ils se mettent à fuir, sans penser à leurs chevaux ; mais c’est en vain qu’ils implorent Mahomet et Cahu ; ils tombent aux mains de Renouard, qui court après eux en criant :

— Fils de putains, c’est pour votre malheur que vous êtes entrés dans ces fèves ; ce n’est pas vous qui les aviez semées ni cultivées, mais le pauvre homme qui devait les