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Mais il fut impossible à Renouard de jouir longtemps de ce repos ; les grands coups qu’il avait donnés et reçus lui avaient laissé la fièvre ; il lui fut impossible de dormir. Dès minuit il parcourut les rangs, l’épée à la main, criant :

— Debout ! debout ! Le soleil se lève. Allons, Français, hâtez-vous. Par la foi que j’ai promise à Guibor ! si vous ne vous armez pas tout de suite, vous me le paierez cher ; je trancherai la tête même au plus huppé.

Quand les Français entendirent Renouard parler ainsi, pas un n’osa lui résister.

— Que Dieu le punisse, se dirent-ils, de ne pas nous laisser dormir. Qu’il soit maudit, pour nous faire lever et marcher à cette heure indue !

— Allons, hâtez-vous, cria Renouard ; je suis fils de roi et j’ai droit de commander.

L’armée se mit en mouvement ; on sonna les cors et on sella les chevaux. Les tentes furent pliées et l’on se mit en route.

Avant de partir, le comte Guillaume se rendit à l’endroit où le cadavre de Vivian gisait auprès de l’étang ; il le fit placer entre deux écus et l’enterra à l’ombre de l’arbre sous lequel il l’avait trouvé. Il pleura à chaudes larmes et maint de ses compagnons se trouva mal. Enfin le signal du départ fut donné, et l’armée se mit en route, ayant Renouard en tête, qui marchait l’épée au poing et d’un air farouche comme un sanglier.

Voici qu’un pauvre diable vient se plaindre à lui que les Sarrasins ont dévasté son champ de fèves et l’ont réduit à la mendicité, lui et ses enfants.

— Par saint Denis ! dit Renouard, je leur ferai réparer le dommage ; ils paieront chaque cosse un denier.

Il courut vers le comte Guillaume et lui dit :

— Souffrirez-vous que les Sarrasins viennent voler les vivres à vos hommes ?