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Il lève le tinel, et avant que le païen puisse tourner bride pour fuir, l’arme descend avec la célérité de la foudre et écrase le cavalier avec le cheval.

— Mon Dieu ! dit Bertrand, à quoi bon attendre ? Jamais je n’aurai de cheval, car à de tels coups rien ne résiste.

Voyant l’air contrit du géant, il lui conseille de ne se servir de son arme qu’en poussant du bout, afin d’amoindrir ses coups.

Renouard, pour se conformer à ce désir, plaça l’extrémité amincie sous son aisselle, le gros bout tourné du côté de l’ennemi.

L’émir Estelé s’avance, bien armé, sur un cheval noir. Il tue un des hommes de Renouard ; mais au même instant celui-ci l’atteint du bout de sa perche. Il lui brise l’écu, met sa cotte de mailles en pièces, lui enfonce les côtes et le jette mort par terre. Puis saisissant le bon cheval par le frein, il le présente à Bertrand en lui disant :

— Celui-ci vous agrée-t-il ?

— Certes, messire, il vaut mieux que toute une cité. Bertrand voit ses vœux exaucés : il saute en selle et s’arme de l’écu et de la lance du Sarrasin. Sans plus attendre, il va attaquer un païen qu’il transperce de part en outre, et saisissant son cheval, il l’amène à son cousin Girard, qui monte en selle en se servant de l’étrier niellé. Bientôt lui aussi est armé d’un écu et d’un épieu.

Et Renouard donne tellement la chasse aux Arabes, qu’en un clin d’œil il se rend maître de trois chevaux. Il y fait monter trois des cousins. Il n’en reste plus que deux à pied ; mais enfin à ceux-là aussi il fournit des montures.

Voilà les sept cousins alignés. Ils remercient chaudement Renouard de les avoir tirés de prison. Bientôt Arabes et Sarrasins connaîtront leur force et leur bravoure. Déjà à leur vue ils reculent à une portée d’arbalète.