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prisonnier ; depuis ce moment il me traitèrent avec la dernière dureté ; je suis complètement affamé. Enfin on doit me conduire dans le pays arabe, et une fois là, je n’en sortirai plus jamais ; personne ne me secourra, et j’y mourrai de douleur, à force de mauvais traitements. Si le corps est perdu, que Dieu sauve au moins l’âme !… Ah ! noble homme, ayez pitié de moi !

— Tu seras libre à l’instant, répondit Renouard, et cela parce que tu as invoqué le nom de Guillaume. Quand tu le verras, tu le remercieras.

Ce disant, il lui ôta les fers des pieds et des mains et détacha le bandeau qui lui couvrait les yeux, après quoi le paladin sauta sur ses pieds. Ayant aperçu des armes à son gré, il endossa aussitôt une cotte de mailles, s’affubla d’un heaume luisant et saisit une bonne épée, qui pendait à un poteau.

— On voit bien, lui dit Renouard, que vous êtes d’une race vaillante.

— Seigneur, répondit Bertrand, je remercie Dieu et vous… Ma grande joie m’empêche de m’exprimer comme je voudrais, pardonnez-moi. Je vous dois l’honneur et la vie. Si mes cousins, que les païens mécréants tiennent captifs, étaient en liberté, je ne vous quitterais plus de mon vivant, je resterais votre serviteur à tout jamais.

À ces mots, Renouard se mit à chercher, et il eut bientôt trouvé les jeunes gens qui se lamentaient et pleuraient, battus qu’ils étaient jusqu’au sang par les Nubiens maudits qui les gardaient. À ceux-ci Renouard ne daigna pas même adresser la parole ; il les tua tous, sans désemparer, et jeta leurs cadavres à la mer.

— Voilà un bain convenable pour vous, dit Renouard. Je voudrais y voir tous ceux du lignage de Tervagant !

Il débarrassa les six jeunes gens de leurs liens et les fit sortir du navire. Mais sur le rivage ils trouvèrent tant de païens,