Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.
335

et les fleurons ; sans la coiffe du haubert Bauduc n’aurait plus eu besoin de médecin. Le fer, glissant de côté, tranche la courroie d’étoffe précieuse qui suspend l’écu à son cou, et l’abat par terre avec le bras gauche.

En se sentant si grièvement blessé, le païen prit la fuite et alla se cacher au plus épais de sa troupe. Mais Aymer le poursuivit, jusqu’à ce qu’il l’eût atteint devant la tente de Gofier, où il lui coupa la tête encore couverte du heaume pointu. Il ne peut se rendre maître du bon cheval, car il est entouré d’un millier de païens. Que Dieu le protége ! car je ne vois pas comment il pourra se tirer de là.

Les Sarrasins tuèrent son cheval sous lui ; il sauta sur ses pieds, l’épée à la main, et embrassant son écu, il leur porta des coups furieux au visage, sur la poitrine, sur les bras. Il se défendit bravement comme un chevalier d’élite qu’il était. Il jeta en même temps son cri de guerre ; cela lui sauva la vie. Son père l’entendit et cria de son côté : Narbonne ! À ce cri ses quatre fils Hernaut, Bernard, Guibert et Beuve de Commarchis, s’élancent à l’envi l’un de l’autre. Sans eux, Aymer était perdu ; car les coups d’épée tombaient dru. Mais lorsque le père et les cinq fils furent réunis, ils firent une boucherie des Sarrasins comme des loups affamés des brebis. Cependant le nombre des mécréants est trop grand ; il y en a trente-six contre un chrétien. Aymeric et les siens étaient en grand danger, lorsque accourt Guillaume, le marquis au court nez. Il vient à la rescousse d’Aymeric et de ses frères qui succombaient sous le nombre. Celui qu’il atteint de son épée est un homme mort. Il fait une telle trouée parmi les Turcs que le plus hardi n’ose l’attendre. Il les chasse jusqu’à leurs tentes. Un cheval vide se trouve sous sa main ; il le prend par les rènes, et sans qu’un ennemi ose s’y opposer, l’amène à son frère bien-aimé. Aymer saute en selle et est sauvé.