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passage en brandissant le tinel. Il eût été préférable pour eux de rencontrer le diable.

— Où allez-vous ? leur demanda-t-il.

— En France, lui répondit-on. Le comte nous a permis de nous retirer. Si nous parvenons à regagner la Bourgogne, nous nous ferons saigner et ventouser. Nous aurons du bon vin, de la viande et du poisson, et de ces bons gâteaux blancs. Jamais Guillaume ne fit autre chose que de rendre les gens malheureux ; il a fait mourir maint homme dans les plus grandes douleurs. Viens donc avec nous, et tu agiras sagement. Nous ferons porter pour toi cette lourde massue.

— Parlez-moi d’autre chose, répondit Renouard. Le comte Guillaume m’a commandé la garde de l’armée, je dois donc faire mon devoir. Vous allez me payer le péage du pont. Ah ! vous pensiez vous sauver comme des malfaiteurs ! Par saint Denis ! vous n’irez pas plus loin, avant que je n’aie mis par terre quelques centaines d’entre vous. Fils de putains, résistez-moi si vous l’osez.

Il les attaqua hardiment avec son tinel : au premier coup il en culbuta cinq et du revers en tua six. On ne peut résister à ses coups. Bientôt une cinquantaine sont morts ou hors de combat. Les plus vaillants d’entr’eux tremblent de peur ; ils fuient, car ils le redoutent plus qu’un lion ou un sanglier. Ils lui crient de loin :

— Monseigneur Renouard, nous irons nous battre avec toi en Aleschant, mène-nous où tu voudras, nous ne te ferons pas défaut, dût-on nous tailler en pièces.

— Voilà qui est parler, dit Renouard. Ma naissance me donne droit au commandement.

Il les force à rejoindre l’armée. Arrivé près de Guillaume il le prie de lui laisser le commandement des couards.

— Je les rendrai hardis comme des sangliers, protesta-t-il ; et qu’ils le veuillent ou non, chacun d’eux fera des prouesses.

— Je n’ai rien à te refuser, répondit le comte.