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— Dame, je ne pourrai vous confier cela que lorsque je serai revenu de la bataille, où, s’il plaît à Dieu, j’aiderai Guillaume de tout mon pouvoir.

La comtesse ne put lui refuser cela. Sans dire un mot, elle ouvrit un écrin, dont elle tira une brillante cotte de mailles, qui avait appartenu à son oncle, l’émir Tornefier. Les mailles étaient d’or et d’argent et si bien forgées qu’un coup d’épée ne pouvait les entamer. Celui qui porte cette armure est invulnérable. À la cotte de mailles elle joignit un heaume de l’acier le plus dur. Enfin elle prit une épée à poignée d’or pur ; elle était longue d’une toise et large d’une grande paume, et si affilée qu’elle tranchait plus facilement le fer que la faux ne fait l’herbe. Nulle armure n’est un obstacle pour son tranchant. Elle provenait de Corsuble, le neveu de Haucebier, qui l’avait donnée au brave Thibaut, auquel Orable l’avait prise le jour de ses noces. Elle la destinait à Renouard comme un gage d’amitié.

— Mon ami, lui dit-elle, sais-tu manier les armes ? Ceins cette épée à ton flanc gauche ; elle te sera d’un grand secours, si tu sais la manier.

Renouard prit l’arme et tira la lame brillante du fourreau. Quand il la sentit si légère, il la jeta à terre en disant :

— Dame, je n’ai que faire de cela, par saint Denis ! je ne donnerais pas un denier pour quarante de ces lames. Du moment que je soulèverai à deux mains mon levier, il n’y a païen si fier que je n’abatte d’un seul coup, lui et son destrier. Guillaume ne me nourrira pas pour rien.

Les larmes vinrent aux yeux de la comtesse, à qui les battements de son cœur disaient que ce grand et beau jeune homme pouvait bien être son frère. Renouard, qui se méprit sur la cause de ces larmes, lui dit :

— Ne pleurez pas, madame, car par la foi que je vous dois ! vous n’avez pas à craindre pour Guillaume, tant que mon tinel restera entier.