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Là-dessus il se recoucha, chauffa ses grandes jambes au feu et se rendormit.

Le lendemain, avant l’aube, plusieurs cuisiniers entrèrent dans la cuisine ; quand ils virent leur chef gisant dans le feu, à moitié consumé, tous, sans exception, se mirent à fuir. Ils coururent droit à Guillaume pour se plaindre. Celui-ci en les apercevant leur cria de hâter le déjeuner ; mais les cuisiniers lui répondirent :

— Il sera mal apprêté ; car cette nuit notre chef a été jeté au feu. C’est ce fou sauvage qui l’a fait, et tant qu’il sera là, nous ne nous occuperons pas du manger. Puisse le diable l’emporter ! Il ne tardera pas à nous casser la tête avec son tinel garni de fer, qui est si lourd qu’un cheval le porterait à peine. Plût à Dieu qu’il fût coupé en morceaux et son maître noyé dans la mer ! S’il vit, il fera assez de mal, car jamais on ne vit un tel démon. Que Dieu nous en garde !

Guillaume ne fit qu’en rire, et leur dit :

— Vous n’avez qu’à vous abstenir de le railler, sinon, il vous le fera payer. Comment diable, je ne suis pas assez osé pour le contredire, et vous vous permettez de l’insulter !

Puis s’adressant à Guibor, il lui dit :

— Dame, allez-y, et amenez-le avec vous dans cette chambre.

— Vos ordres seront exécutés, répondit la comtesse. Elle se hâta de descendre à la cuisine, où elle trouva Renouard couché sur le dos, avec son tinel sous la tête. Dame Guibor était une femme de grand sens ; elle s’assit à côté de lui, et lui parla avec douceur :

— Venez avec moi, mon ami, dans ma chambre dallée ; je vous donnerai ma pelisse d’hermine et un manteau fourré de martre zibeline, et puis vous me conterez vos affaires.

— Volontiers, noble comtesse. Quant à ces lâches coquins, ils ne perdront pas pour attendre leur punition.