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tise et vola à la rencontre d’Aymer. Il le serra dans ses bras et voulut le mener avec lui dans Orange. Mais Aymer refusa et alla camper auprès des autres. Alors Guillaume invita son père et tous ses frères à venir souper avec lui, ce qu’ils firent.

On corna l’eau en Gloriette, et les chevaliers allèrent se laver les mains. Dame Guibor, en femme bien apprise, offrit à Aymeric et à ses fils la serviette pour s’essuyer. Le souper fut servi à l’heure de vêpres.

Renouard entra dans la salle et alla s’adosser contre un pilier en s’appuyant sur son tinel, pour jouir du spectacle de la fête. En l’apercevant Aymer demanda à Guillaume :

— Monseigneur, quel est cet homme avec ce tronçon d’arbre que cinq vilains auraient de la peine à porter ? Est-ce un démon qui vient pour nous tuer ? Est-ce un tour de Guibor, la magicienne, dites-le moi ?

— C’est, répondit le comte, un jeune homme qui m’a été donné par le roi. Louis. Jamais on n’a vu homme de sa force ; mais il aime trop à se chauffer dans la cuisine et à lécher les marmites. Cela me chagrine de lui voir ce goût ; il est le jouet des cuisiniers, qui le traitent comme un idiot.

Là-dessus Aymer le fit appeler près de lui, et Renouard alla s’asseoir au souper à côté du chevalier, en posant son tinel derrière lui.

Les pages se donnaient toutes les peines du monde pour le lui enlever. Quand il s’en aperçut, il leur dit :

— Laissez mon bâton ; car par la foi que je dois à Dieu ! si l’un de vous y touche, quelle que soit sa noblesse, il me le paiera ; je lui ferai sauter les yeux de la tête.

Cela amusa les chevaliers, qui lui versèrent souvent du vin fort. Après souper, quand les nappes furent enlevées, ils commencèrent à se moquer du sauvage ; et les écuyers, encouragés par cet exemple, recommencèrent à lui jeter toutes choses à la tête. Mais Renouard saisissant son tinel et le brandissant à deux mains, leur cria :