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si durement, que peu s’en faut qu’ils n’aient les bras cassés. Le quatrième lui crie :

— Sire Renouard, ayez merci de moi ! Par saint Thomas ! votre tinel vous sera rendu. Restez ici, j’irai le chercher.

— Tais-toi, glouton, tu ne pourrais le soulever. Et par mon chef ! tu n’iras pas sans moi, ni toi ni les autres ; je ne veux pas être trompé. Mais tu me mèneras tout de suite à l’endroit où il est, ou sinon, par mon chef ! tu mourras d’une mort plus cruelle que celle de Cajafas.

Il le charge sur ses épaules comme il aurait fait d’une bûche, et tout en lui donnant force coups de poing, il se fait conduire à l’étable, où ils écartent le fumier et découvrent le tinel.

— Allons canailles, leur dit Renouard, hâtez-vous et apportez-moi ma massue, ou sinon, vous me le paierez cher. Par le Seigneur ! si vous me faites attendre un seul instant, vous ne raillerez plus entre vous, car je vous étranglerai de mes deux mains.

À ces paroles ils commencèrent à trembler de tous leurs membres. Ils firent tout au monde pour soulever le tinel ; mais à eux tous ils ne parvinrent pas à le remuer. Alors ils s’adressèrent à Renouard :

— Nous ne pouvons le lever, messire, venez y vous-même.

Et en même temps ils murmurèrent entre leurs dents :

— Malédiction sur celui qui doit porter cet arbre !

Renouard accourt et le soulève comme un rameau d’olivier ; et tout joyeux il sort de l’étable en chantant. Il rencontre le maître-queux, qui l’arrête et lui dit avec hauteur :

— Paresseux, où vas-tu ? Tu ferais bien mieux d’entretenir le feu, de tourner la broche et d’écumer la soupe. Ici tu pouvais dîner quand tu en avais envie ; tu ferais bien mieux d’y rester que d’aller endurer des privations sur la terre étrangère.