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toire et attendent leur dîner. Vous avez mal agi en tuant le cuisinier et en mangeant toutes les rissoles.

— Il t’avait si mal arrangé que le diable lui-même se serait emporté. Viens, conduis-moi vers le prieur ou l’abbé.

— Comme il vous plaira.

Et là-dessus ils entrent au réfectoire, et Renouard dit d’une voix tonnante :

— Que Dieu garde les moines réunis en ce lieu !

Et eux le regardent tout ébahis, sans lui répondre un seul mot.

La première chose qui frappa les yeux de Renouard fut un tonneau de vin nouvellement mis en perce. Il prit un pot, mesurant bien un setier, l’y plongea, le mit à sa bouche et le vida d’un seul trait.

Le sommelier s’en fâcha tout rouge, et d’un pain de froment qu’il tenait à la main, donna un si grand coup à l’intrus que son arme vola en pièces.

— Tu as levé la main sur moi, dit Renouard, par la foi que je dois à Dieu ! ce sera pour ton malheur.

Il tira à soi le moine et le heurta si furieusement contre un pilier que les deux yeux lui sortirent de la tête.

Tous les moines prirent la fuite, et Renouard revint au tonneau et but tout son soûl. Puis il dit au portier :

— En voilà assez ; j’ai fait ce que j’ai voulu, allons-nous-en.

En sortant ils trouvèrent à la porte les pauvres qui attendaient la charité et qui crièrent au portier :

— Pour Dieu ! vos moines auront-ils bientôt fini de dîner ? Qu’on nous donne tout de suite l’aumône commandée par Dieu.

Quand Renouard entendit ces pauvres gens demandant du pain au nom de Dieu, il en eut grand’pitié, et leur dit :

— Soyez tranquilles, mes enfants ; vous en aurez, si Dieu me permet de vous aider.

Il retourna au réfectoire en courant, et dans une cor-