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Ils se dirigèrent vers la cuisine, et Renouard rit de bon cœur en voyant boiter le vieux. Ils allèrent tout droit aux fourneaux, et Renouard se mit à crier :

— Le Dieu de gloire qui jugera le monde, puisse-t-il sauver le maître-cuisinier ! Comme il manie bien ce pilon ! S’il voulait m’associer à lui, je le servirais du matin au soir ; car je sais bien écorcher une anguille, tailler une bûche et faire le feu, ou encore hacher à deux couteaux le poireau, faire des rissoles, et ranger les plats ; et si l’on en vient à distribuer de bons horions, je vous jure, j’en sais quelque chose, je sais fort bien me venger d’un méchant homme.

Le cuisinier lui répondit :

— Je n’ai que faire d’un ribaut qui vient pour se moquer de nous ; passez votre chemin, je n’ai pas besoin de vous. Quant au portier, il sera puni pour avoir oublié de verrouiller la porte.

Il prit une grande cuiller et en frappa le portier sur le crâne ; en un moment le pauvre homme fut couvert de sang de la tête aux talons.

— Je ne puis souffrir cela, dit Renouard. Par saint Legier ! tu l’as frappé pour ton malheur.

Il saisit le cuisinier et le jette sur le brasier avec tant de force, que les tisons lui entrent dans le corps. Jamais il ne s’en releva. Puis il enlève deux volailles de la broche, et sans se donner le temps de les découper, il en arrache les membres, les trempe dans le mortier contenant l’ail pilé, et les mange incontinent. Il remarque non loin de lui un panier où il y avait bien un millier de rissoles ; il se jette dessus et en mange, comme s’il ne voulait pas en laisser une seule pour l’abbé.

Quand il eut mangé son soûl de ces mets piquants, il eut tellement soif qu’il aurait bien vidé un setier de vin. Il demanda au portier :

— Où sont les moines ? Le service est-il terminé ?

— Je vous dirai la vérité, fit l’autre ; ils sont au réfec-