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dans une écurie sous le fumier. Mais ils paieront cher leur plaisanterie.

Avant l’aube l’armée commence à s’ébranler. On met les selles, on y attache les casques et l’on monte à cheval. De toutes parts on ne voit qu’écus, heaumes et hauberts reluisants, que pennons flottant au bout des lances. Les trompettes, les trompes et les cors d’airain sonnent. On n’entend que bruit et vacarme sous les murs de Laon. L’armée se met en mouvement ; la voilà en route à l’instant même où le soleil se lève radieux.

Aymeric, Hermengard, le roi, la reine, et la belle Aalis chevauchèrent à côté de Guillaume au court nez, qu’ils accompagnèrent pendant un certain temps.

Cependant Renouard dormait toujours et cuvait son vin. Le grand bruit l’arracha à son sommeil ; il sauta sur pied tout effaré et courut presque nu après l’armée, sans même penser à son tinel. Il arriva bientôt à un gué et entra jusqu’au cou dans l’eau froide. La fraîcheur du bain le désenivra. Sa première pensée fut pour son tinel. Il se rappela l’avoir oublié et il retourna de suite sur ses pas pour le chercher.

Il trouva en son chemin un pressoir vide de vin ; il en prit le gros pilon, et ainsi armé, il arriva sur les hauteurs aux environs de Laon.

Midi sonna, et il eut tellement faim qu’il n’en pouvait plus. Il vit à sa droite les clochers dorés de la noble abbaye de Saint-Vincent, et il se tourna de ce côté.

Il y avait dans cette abbaye soixante moines ; l’abbé leur faisait donner un splendide repas, car on y célébrait ce jour même la fête de saint Vincent ; ils avaient de la viande et des pâtés, des rissoles et des poissons étuvés. Dans la cuisine de grands feux étaient allumés et le maître-queux était en train de piler de l’ail dans un mortier.

Quand Renouard entendit les coups du pilon et flaira la bonne odeur, il se sentit tout à coup revivre.

— Dieu soit loué ! dit-il, je suis arrivé à bon port. Si