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endroit avec sa cour, n’aurait pas permis de le couper pour cent marcs d’argent. Mais Renouard se dit :

— Seigneur Dieu ! si l’on pouvait arracher ce bel arbre d’ici ! Il serait bien bon à tuer les Sarrasins. Il sera à moi, malgré quiconque y trouverait à redire ; j’en écraserai toute ma parenté, s’ils ne veulent adorer Jésus-Christ.

Il alla chercher un charpentier qui abattit l’arbre et en ôta les branches. Le forestier se rendit en courant à l’endroit où il entendait les coups et cria :

— Bâtard, tu te repentiras de ce que tu fais. Qui t’a donné la permission de dévaster ce bois ? Je porterai plainte au roi, qui te fera traîner à la queue de ses chevaux.

Il prit un bâton et en frappa Renouard à la tête.

— Vous avez fait couler mon sang, dit celui-ci ; par saint Omer ! c’est pour votre malheur.

Il lui saisit le bras et le tire à lui avec tant de violence qu’il lui arrache l’épaule. Puis il le tourne trois fois autour de sa tête, et le laissant aller au quatrième tour, il le jette sur un chêne où le cadavre reste suspendu, les boyaux traînant à terre.

— Comment te portes-tu, messire, lui crie Renouard ? Vas donc raconter au roi que Renouard défriche sa forêt.

Puis prenant la massue, il en ôta l’écorce et la plana en chantant. Enfin il la porta chez un forgeron, la fit ferrer par devant et entourer de larges bandes de métal.

Cela fait, il donna à l’ouvrier cinq sols, tout ce qu’il possédait ; et la massue, longue de quinze pieds, sur l’épaule, il sortit de la forge. Tous ceux qui le rencontrèrent se signèrent d’épouvante et se mirent à fuir.

Renouard entra au palais et tout le monde le regarda avec étonnement. L’un dit à l’autre :

— C’est un démon, où va-t-il ? C’est bien Renouard-au-tinel.

Depuis ce nom lui resta. Renouard les voyant si effrayés, leur dit :