Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28

Un jour ils se trouvaient devant la grande salle dans la cour du château de Narbonne : ils entouraient Bernard, l’aîné, qui tenait sur son poing un jeune faucon, auquel il faisait grosse gorge avec une aile de poulet. En ce moment le noble comte Aymeric sortit de la chapelle, où il venait d’entendre la messe, avec la belle Hermengard de Pavie, son épouse : il était accompagné de quatre-vingts chevaliers portant de riches fourrures de martre et des pelisses d’hermine. Quand il vit ses enfants si beaux et si preux, son cœur s’en réjouit ; car il les aimait bien, le noble comte Aymeric. Et s’adressant à sa femme, il lui dit :

— Dame Hermengard, de par Dieu ! regardez nos fils ! Si le Seigneur, dans sa miséricorde, me prête vie jusqu’à ce que je les voie tous chevaliers, je serai bien heureux.

— Cela sera, monseigneur, répondit la dame.

À peine avaient-ils prononcé ces paroles, que voici un messager arrivant en grande hâte sur un mulet d’Espagne. Il s’arrête devant le comte, et le salue en ces termes :

— Que ce Dieu qui créa le monde protège le noble comte Aymeric, sa dame, ses fils, et toute sa maison.

— Que Dieu te garde, frère, répondit le comte. Où vas-tu ? D’où viens-tu ? Que cherches-tu ? Portes-tu un message ? Réponds-moi sans mentir.

— Que Dieu me soit en aide ! répond l’étranger, je vous dirai la vérité. Sachez que je viens de la part du Roi Charles de Saint-Denis, qui vous mande de lui envoyer vos quatre fils aînés, afin qu’ils viennent le servir à Rheims ou à Paris. Quand ils auront servi cinq ou six ans, il les fera chevaliers et leur donnera ce qu’il faut pour soutenir leur état : de l’or et de l’argent, des chevaux de prix, des châteaux, des bourgs et des villes dont ils seront les seigneurs.

— Je rends grâces à Dieu de cette offre, reprit Aymeric. Et dans sa joie s’adressant à ses enfants, il leur dit :

— Enfants, Dieu vous protége, car avant six ans vous