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Louis n’osa pas contredire Aymeric et les siens : il le craignait. Puis il vit que Guillaume s’échauffait, et cela le rendit encore plus tremblant, car le comte était entouré de tout son lignage. Il baissa la tête et n’osa proférer une parole.

Guillaume, presque fou de colère, l’apostropha de la sorte :

— Louis, Sire, lorsqu’on voulut t’ôter ton héritage et te chasser hors de France, c’est moi qui t’y retins et qui te fis couronner. On me redouta tant qu’on n’osa s’y opposer. Puis je persuadai mon père de te donner ma sœur ; je ne pouvais la marier en plus haut lieu ; mais je ne sais aussi où tu aurais trouvé une plus noble femme. Et lorsque je t’avais fait monter si haut et réduit tous tes barons à l’obéissance, tu voulais me donner la moitié de la France ; mais je ne voulus pas profiter de ta faiblesse, j’aurais mieux aimé me laisser couper tous les membres que d’accepter ton offre. Alors tu me juras en présence de mes pairs que, si jamais j’étais attaqué dans Orange par les Arabes, tu te ferais plutôt couper en morceaux que de ne pas venir à mon secours. Cependant aujourd’hui tu es parjure envers moi.

En entendant ce reproche, les larmes vinrent aux yeux du roi, qui répondit d’une voix attendrie :

— Sire Guillaume, vous avez agi noblement. Par amour pour vous je ferai crier mon ban et rassembler mon armée. Je vous mettrai à la tête de cent mille hommes. Mais je ne puis entrer moi-même en campagne, la sûreté du royaume m’oblige à ne pas m’absenter. De grâce, ne m’en voulez-pas.

— Je vous remercie, Sire, lui répondit Guillaume ; je ne tiens pas à ce que vous veniez avec nous ; je saurai bien conduire l’armée.

Le roi de France, sans plus différer, fit crier son ban et rassembler son armée sous les murs de Laon. Bientôt