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de son fils et l’empêche de frapper en l’embrassant. La reine, folle de terreur, s’enfuit échevelée et se sauve dans sa chambre. Là elle tombe sans connaissance. Sa fille, la belle Aalis, la relève, et après qu’elle l’eut rappelée à la vie, lui dit :

— Qu’est-il arrivé, madame ? D’où vous vient cette épouvante ?

— Par ma foi, mon enfant, il y a bien de quoi devenir folle. Le comte Guillaume est ici ainsi que mon père et ma noble mère, que Dieu a conduite en ces lieux, car sans elle c’eût été fait de moi. Le comte Guillaume me tuait. Il avait demandé du secours au roi, et pour la seule raison que je m’y suis opposée, il a voulu me couper la tête. Ayez soin, ma fille, de bien fermer la chambre ; mettez la barre à la porte, car s’il pénètre ici, je suis livrée à la mort.

Aalis lui répondit :

— Je vous trouve bien osée de dire des choses désagréables à mon oncle, le meilleur homme qui jamais portât une épée et par les soins duquel vous avez été couronnée reine et souveraine de France. C’est lui qui vous a élevée si haut ; et si vous lui avez dit quelque chose de désagréable, c’est le démon qui vous a inspirée.

— Tu es pleine de bon sens, reprit la reine ; je suis fière d’être ta mère. Tout ce que tu dis est vrai ; c’est par lui que j’ai été élevée à cet honneur et que je suis couronnée reine. Je prie Dieu qu’il m’accorde de faire la paix avec mon frère ; j’avouerai mes torts, afin qu’il me pardonne.

Blanchefleur se laissa cheoir éplorée sur un siége en versant un torrent de larmes. Aalis, surexcitée par ce qu’elle venait d’entendre, ne fit pas de longues réflexions, mais s’elança dans la grand’salle, au milieu du tumulte.

La comtesse Hermengard s’était jetée aux pieds de Guillaume et implorait sa merci pour la reine. Le comte releva sa mère et lui dit :

— Dame, il eût mieux valu que vous ne fussiez pas née.