Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.
293

de ses jours, voulut te déclarer son successeur, tous les Français assemblés te jugèrent indigne de la couronne. Tu l’aurais perdue, si je ne m’en étais mêlé ; car malgré eux la grande couronne d’or fut posée sur ta tête. Ils me craignaient tant, que pas un n’osa résister. Tu t’en es montré peu reconnaissant en ce jour.

— C’est vrai, dit Louis ; mais je saurai reconnaître ce que vous avez fait pour moi, en vous abandonnant la France entière.

Blanchefleur, entendant ces paroles, jeta de hauts cris :

— Comment, fit-elle, je perdrais tout mon bien ! C’est le démon qui vous a suggéré cette promesse. Que la foudre écrase celui qui a prononcé cette parole !

Guillaume lui lança un regard foudroyant et dit :

— Tais-toi, chienne de mauvaise vie. Toi qui as été la maîtresse de Thibaut l’Arabe, tu ne dois pas être écoutée. Quand tu manges viande ou gibier et des gâteaux quatre fois blutés, quand tu bois ton vin pur ou mêlé d’aromes dans une coupe dorée, quand tu tiens la grande coupe à couvercle assise auprès du feu de la cheminée et que tu t’es grillé les jambes, quand tu te sens embrasée de luxure, quand la gloutonnerie t’a enflammé le visage, et que Louis t’a trois ou quatre fois tenue sous lui, quand tu es rassasiée de boire et de manger et bien soûle de luxure, tu ne penses guère à la neige et la gelée, aux grandes batailles et aux grandes privations que nous supportons à Orange, sur la terre étrangère, entourés que nous sommes d’une race sans foi. Tu t’inquiètes peu d’où viennent les blés, mauvaise fille de joie ! Tu m’as insulté aujourd’hui ; tu as voulu empêcher le roi de venir à mon secours,.... le diable lui-même t’a couronnée....

Et s’élançant sur elle, à la stupéfaction de tous, il lui arracha la couronne qu’il jeta à terre. Puis la saisissant par les cheveux, il tira son épée et lui eût coupé la tête, si sa mère ne fut intervenue. Hermengard se jette au cou