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être à Paris et la reine en sa chambre à Senlis ; car Guillaume, le marquis au court nez, est assis tout seul, la rage au cœur.

— Dieu ! dit-il, pourquoi me tenir ainsi à l’écart, quand je vois ici mon père et mes amis et ma noble mère que je n’ai embrassée depuis plus de sept ans ! J’ai trop longtemps souffert leur mépris ; je deviendrai fou si je ne me venge.

À ces mots il sauta sur ses pieds, et sans que sa main quittât la poignée de son épée, il se plaça au milieu de la salle devant le roi Louis, et lui dit d’une voix forte, qui fut entendue de tout le monde :

— Que Jésus protége ma mère, mon père, mes frères et mes amis, et qu’il confonde ce mauvais roi sans honneur et ma sœur, la vile ribaude, qui m’ont fait si mauvais accueil et ont permis qu’à leur cour on se soit moqué de moi ! Quand je descendis de cheval sous l’olivier touffu, nul de ses hommes, grand ou petit, ne daigna tenir mon coursier arabe. Mais par les saints que Dieu a bénis ! si ce n’était pour mon père, qui est assis à ses côtés, je lui pourfendrais la tête de mon épée.

Le roi devint blême de frayeur, et la reine aurait voulu être à Senlis, à Étampes ou au bourg de Saint-Denis. Il n’y eut pas un Français qui ne fût épouvanté. Et ils se dirent l’un à l’autre :

— Guillaume est en colère, c’est pour notre malheur qu’il est venu en ce pays.

Lorsque Aymeric et Hermengard virent leur fils, ils s’élancèrent plein de joie de leurs fauteuils et embrassèrent Guillaume. Les quatre frères se jetèrent à son cou ; mais il eut soin de détourner la bouche afin qu’ils ne pussent la baiser. Ce fut une joie générale.

Cependant Guillaume raconta à son père la défaite qu’il avait essuyée en l’Archant et comment il s’était enfui seul, après avoir perdu tous ses hommes ; comment il laissa Vivian sans vie sur les bords de l’étang ; et comme quoi les païens